Après une première journée de vacances “décompression totale”, je quitte Marseille ce dimanche matin à 7 heures, direction Sérignan, dans l’Hérault.
Grâce à Félicia qui m’a filé le tuyau, j’ai décidé de passer des vacances actives, en participant à un stage organisé par l’ICEM34 (section locale de l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne – Pedagogie Freinet) intitulé “enseigner en classe coopérative”. Il s’agit d’un stage en autogestion, réunissant “des enseignants du primaire de tous niveaux, débutants ou non, avec quelques outils, beaucoup de questions et l’envie de construire”…
Après un détour par la gare de Montpellier pour covoiturer deux stagiaires, nous parvenons au centre PEP “mer et soleil” de Valras-Sérignan, situé en bord de mer dans la réserve naturelle des Orpellières. Pas mal pour un lieu de stage !
Accueil, installation, café, un oeil sur la fin de la finale de la coupe du monde de rugby… Le premier conseil du stage, prévu à 11h, attendra la fin du match ! “Mais on peut pas être en retard, on est en vacances…”
Pour ce premier rendez-vous d’organisation collective, je constate que nous sommes effectivement nombreux : une soixantaine de collègues enseignants, plus quelques conjoints et enfants (80 personnes en tout). Pierre se propose pour prendre la présidence de ce premier conseil, il désigne aussitôt un secrétaire, un gardien du temps et un responsable des tours de parole.
Un premier tour d’assemblée est effectuée afin que chacun se présente (parce que la petite étiquette autour du cou ne suffit pas). Il s’agit aussi de prendre connaissance des infos pratiques, et surtout d’organiser les premiers temps de formation de l’après-midi. De la méthode naturelle de lecture-écriture aux créations mathématiques en passant par la pratique du conseil ou le journal scolaire, les demandes et les propositions d’ateliers ne manquent pas ! Des “passeurs” sont désignés pour conduire les ateliers, les inscriptions se font à main levée jusqu’à ce que tout le monde ait trouvé son compte.
Au bout d’une bonne heure d’échanges, le conseil s’achève et nous nous retrouvons dehors sous un petit rayon de soleil pour un repas coopératif en mode “auberge espagnole” (pissaladière, tapenade, saucisson, comté… et un peu de Pic Saint Loup pour accompagner : merci Cédric !).
Deux temps d’échanges ont été prévus pour l’après-midi, avec 4 ateliers proposés pour chaque temps. Ce sera le premier grand principe du stage : pour chaque atelier choisi, il faut renoncer à trois autres… (“de la frustration naît le désir” deviendra vite la phrase de référence).
A partir de là, la fin de journée sera extrêmement dense et intense.
14h30 : premier atelier autour du conseil. J’ai choisi cet atelier parce qu’il me semble être le point de départ et l’instance fondamentale de la classe coopérative. Nous sommes une douzaine de participants.
Le Conseil, réunion d’information de tous par tous, OEIL du groupe : appareil de radioscopie décelant les formations micro-sociologiques, “compteur grégaire” renseignant sur l’énergie inconsciente… Instrument d’analyse, d’interprétation, de critique, d’élaboration collective et de décision, mémoire du groupe aussi : nous avions parlé de CERVEAU du groupe qui donne un sens à ce qui est dit ici. En tant que réunion d’épuration qui draine toutes sortes d’énergies, les récupère ou les élimine, le Conseil était le REIN du groupe, mais cour de justice ou lieu de recours, lieu où se fait la Loi dans le groupe, où l’on parle au nom de la Loi, différemment et efficacement, le Conseil nous apparaissait comme un moyen de langage, créateur de nouveaux dynamismes : CŒUR du groupe. (Fernand Oury).
16h45 : deuxième atelier autour du “débat à visée philosophique”. Il est animé par… Sylvain Connac himself, “le” Sylvain Connac, auteur du livre qui a bouleversé ma manière de « penser la classe » il y a un peu plus d’un an.
L’atelier débute par la lecture d’un abum apporté par Félicia (Safaa et les Dogons), qui permet aux participants de proposer des questions philosophiques liées au récit. “Une question philosophique, c’est une question qui ne peut pas être résolue en conseil, et à laquelle on ne peut pas répondre avec un dictionnaire ou une encyclopédie”.
Nous “vivrons” ainsi le débat autour de la question : “Peut-on tout risquer pour ceux qu’on aime ?”
18h45 : pas le temps de souffler (à peine le temps de pisser !), il est l’heure d’effectuer un premier bilan des ateliers et de préparer la soirée.
Un “frigo” a été installé (une affiche destinée à conserver les infos et les idées pour le prochain conseil). Le bilan météo consiste à annoncer par un signe de la main le ressenti de chacun par rapport à la journée : une main ouverte vers le haut pour signifier un soleil (la journée s’est bien passée), le poing pour signifier un nuage (bilan mitigé), un main ouverte vers le bas pour signifier la pluie (pas terrible…).
Le bilan météo de ce premier soir (aucune pluie et des soleils très largement majoritaires) contraste avec le temps pourri qui règne sur la région !
Au cours de ce bilan, je découvre avec amusement que certains stagiaires parmi les plus expérimentés usent de codes bien particuliers : ils secouent les mains comme les marionnettes pour applaudir une proposition (selon le code des sourds-muets), ou ouvrent et referment la main à la manière d’un clignotant pour demander la parole de manière urgente… La parole circule, et la bienveillance règne…
19h30 : apéro avec les restes du repas coopératif, puis repas à l’intérieur du centre. Immanquablement, les échanges du jour se prolongent : ce soir-là, l’Iza nous raconte l’histoire de ses “Costis”, sa monnaie de classe intérieure.
20h30 : alors que le repas touche à sa fin, le grand Loïs installe son Kaïshi… son Kambishi…. son Kamishibaï (théâtre d’images d’origine japonaise). Le silence se fait, adultes et enfants se laissent emporter par le récit et le défilement lent des images…
21h : après un nouveau détour par la bibliothèque (trop de ressources !), je me retrouve dans la salle Vent d’Autan où sont installés le serveur et les ordis personnels de chacun. Le scanner de Bruce chauffe (oui, The Bruce himself, le magicien des enseignants-webmestres, créateur du petit abécédaire de l’école sur lequel tous les stagiaires téléchargent régulièrement la ressource incroyable ou la bonne idée qui va tout changer dans leur organisation de classe…) et les échanges de fichiers vont bon train !
Mais la découverte du soir, ce sont les “boomwhackers” : quelques tubes en plastique coloré de longueurs différentes, qui permettent de jouer la gamme et donc de recréer avec les notes une mélodie joué par l’ordi… (ensemble, de manière coopérative on vous dit !). Pas simple, mais vraiment excellent !
Vers 22h, je ressens un gros coup de fatigue, mais je ne suis toujours pas rassasié, j’ai encore envie de rejoindre des discussions ou des jeux qui ont démarré. Je réalise alors que la journée a été bien longue depuis 6 h ce matin, et surtout que je n’ai pas pris une seule pause réelle depuis 11h30 et le début du premier conseil, de peur de rater un truc… A ce moment-là, je me découvre en phase de surcharge cognitivo-pédagogique, et je vais me coucher : j’ai besoin d’une bonne nuit de sommeil pour recharger les accus !