Une classe “numérique” (ou digitale ?…), c’est bien sûr une classe équipée d’un minimum de matériel informatique… de préférence reliée à Internet, mais c’est surtout une classe :
- où l’enseignant enseigne en intégrant l’utilisation de supports et de ressources numériques dans ses pratiques ;
- où les élèves apprennent en s’emparant des ressources mises à leur disposition.
C’est donc tout le contraire du plan Informatique pour tous (que j’ai connu au collège en tant qu’élève !), ou des projets de “salle informatique” en vogue au moment de la création du B2i il y a quelques années, et qui continuent d’exister dans beaucoup d’écoles… J’ai fait depuis longtemps le choix d’avoir des ordinateurs en fond de classe (et des tablettes, fournies par la ville depuis 2014). Pour être utile et utilisé, le matériel doit être accessible !
Le numérique pour mieux apprendre ?
Depuis quelques années, les slogans et les plans numériques se succèdent : Faire entrer l’école dans l’ère du numérique (2012), L’école change avec le numérique (2015), Le numérique au service de l’École de la confiance (2017)…
L’école change avec le numérique, mais s’améliore-t-elle pour autant ? Une constante : le choix de fournir des équipements en masse, mais toujours peu, beaucoup trop peu de formation. “Faute de formation initiale et continue suffisante, seule une minorité d’enseignants est à l’aise avec une pédagogie s’appuyant sur le numérique”, peut-on lire dans le rapport publié en juillet 2019 par la Cour des Comptes, à propos du service public numérique éducatif.
La technologie n’est pas en soi un dispositif pédagogique. (Amadieu et Tricot, Apprendre avec le Numérique)
Dans leur ouvrage “Apprendre avec le numérique – Mythes et réalités” (référence et lien dans la biblio ci-dessous), Franck Amadieu et André Tricot examinent onze mythes liés au “numérique pour apprendre” : “On est plus motivé quand on apprend avec le numérique”, “Le numérique favorise l’autonomie des apprenants”…)
Un ouvrage salutaire pour ne pas sombrer dans une approche techno-béate. Les auteurs rappellent d’ailleurs dans leur conclusion : “la technologie n’est pas en soi un dispositif pédagogique.”
Le modèle SAMR imaginé par Ruben Puentedura est une bonne référence pour évaluer l’intégration et l’intérêt des nouvelles technologies dans une pratique de classe.
- S > Substitution : la technologie remplace un outil habituel, sans modifier les tâches. [pour travailler plus efficacement]
- A > Augmentation : la technologie facilite les tâches (sans les modifier). [pour travailler plus efficacement]
- M > Modification : La technologie reconfigure les tâches de manière significative. [pour travailler (un peu) différemment]
- R > Redéfinition : La technologie permet la création de nouvelles tâches, inconcevables auparavant. L’enseignant repense son cours. [pour inventer d’autres manières de faire cours]
Une classe numérique, avec quel matériel ?
On peut sans doute mener des projets très riches avec une seule tablette connectée… Pour ma part, comme j’utilise beaucoup le numérique aussi bien sur le plan personnel que professionnel (c’est mon côté geek), j’ai une classe plutôt bien équipée. Dans le cadre de la Pédagogie Freinet, il est important que les élèves puissent expérimenter et s’emparer des technologies (un de mes collègues parle de pédagogie Freinet 2.0).
Je m’appuie donc sur un environnement matériel numérique riche et diversifié, avec des équipements de provenances diverses (…plus ou moins utiles et utilisés).
- Un ordi perso : iMac acheté en 2010.
(C’était mon ordinateur de bureau… avant que le bureau de la maison ne devienne une chambre d’enfant.) L’indispensable “ordinateur du maitre”, synchronisé avec le contenu du MacBookPro de la maison, relié au vidéoprojecteur, au visualiseur et au microscope de la classe, connecté au photocopieur de l’école. La tête de pont du réseau.
Oui, je travaille sous Mac au quotidien, à la maison comme à l’école. J’ai une bonne excuse : c’est Apple qui équipe la ville de Marseille en ordinateurs et en tablettes. Une bonne compatibilité entre le matériel de l’école et mon équipement perso fait gagner bien du temps.
- Trois ou quatre ordinateurs sous Linux, reliés à internet : dons de parents d’élèves, suite à un renouvellement de matériel d’entreprise. (N’hésitez pas à les solliciter pour renouveler vos équipements !)
- Des tablettes iPad (fournies par la mairie) : l’école est équipée d’une valise “classe mobile”, composée de 16 tablettes, d’un Mac Book Air et d’un vidéoprojecteur et d’un boitier Apple TV.
L’équipement étant destinée aux 6 classes, on arrive à avoir toujours 2 ou 3 tablettes en classe au minimum.
- Une imprimante couleur (don d’une amie, parent d’élève) : pour scanner ou imprimer rapidement un document en classe, à la demande.
- Un vidéoprojecteur (achat sur fonds perso, parce que c’était indispensable) : comment faisait-on avant ?
C’est devenu un objet incontournable dans ma pratique de classe. Que ce soit pour montrer en grand un support de travail (qui peut être identique à celui des élèves, ou complémentaire), pour exposer le travail d’un élève (grâce à un visualiseur !), pour présenter des contenus interactifs ou enrichis (vidéo, animations, jeux…), pour observer en collectif un objet passé sous le microscope numérique… C’est un outil que je trouve vraiment essentiel pour mobiliser l’attention des élèves pendant les temps collectifs
Et aussi :
- Un visualiseur (payée par l’association des parents d’élèves) : sorte de webcam mobile, qui permet de montrer à tous en grand format une page de livre ou de cahier, un petit objet apporté par un élève… J’ai choisi la caméra Hue HD Pro qui est top.
- Un microscope numérique : Zoomy 2.0 (acheté sur crédits municipaux). Complémentaire du visualiseur, à la découverte de l’infiniment petit, sur grand écran !
- Une enceinte BlueTooth (achat perso… grâce à un bon d’achat offert par les parents d’élèves) : parce que le bon son, pour un film ou une chanson, c’est important.
Une classe numérique, pourquoi faire ?
1 – Accéder à des ressources en ligne : depuis la rentrée 2014, je propose à mes élèves une page web qui leur permet d’accéder simplement à des outils et des ressources en ligne. Ce “portail”, véritable compagnon de nos activités au quotidien est sobrement intitulé La classe de Cyril. La page est vérifiée et renouvelée si nécessaire au début de chaque nouvelle année scolaire.
Le portail propose ainsi des raccourcis qui permettent aux élèves d’accéder très vite (et depuis n’importe quel appareil) à une sélection de sites utiles : le compte Twitter de la classe, l’application Simplenote pour saisir leurs textes, des sites pour mener une recherche documentaire ou pour s’entrainer en maths…
Certains sites nécessitent des identifiants : parfois un identifiant unique pour la classe, parfois un identifiant par élève. C’est le cas de Rallye lecture et Matheros, deux outils payants mais vraiment bien pensés (et accessibles aux élèves par le même identifiant).
Pour plus de détails :
2 – Faire vivre une twittclasse
Twitter est un réseau social dont le format est particulièrement adapté à l’usage pédagogique : il permet de publier des écrits courts et des images, de correspondre avec d’autres classes, de participer à des projets pédagogiques qui s’appuient sur le réseau…
J’utilise Twitter en classe depuis la rentrée 2016, j’en détaille le fonctionnement sur une page dédiée.
Une classe numérique, comment ?
Voici quelques ouvrages qui ont accompagné la mise en place de ma classe numérique, que je vous recommande :
Sur le plan pédagogique
- Internet à l’école, lancez-vous !
Katrin Acou-Bouaziz, Alexandre Acou - Les Tice en classe, mode d’emploi
Ghislain Domine - Enseigner en primaire avec le numérique
(Cahiers pédagogiques) - Apprendre avec le numérique : mythes et réalités
Franck Amadieu, André Tricot
Et parce que c’est bien de mettre en place une classe numérique, mais que cela n’empêche pas d’organiser en parallèle une “semaine sans écran” pour aider enfants et parents à questionner leurs usages des outils numériques, et la place du numérique à l’école :
- L’école, le numérique et la société qui vient
Philippe Meirieu, Denis Kambouchner, Bernard Stiegler, Julien Gautier, Guillaume Vergne - Faut-il interdire les écrans aux enfants ?
Serge Tisseron, Bernard Stiegler - Numérique, reprendre le contrôle
Tristan Nitot, Nina Cercy - Écrans, numérique et éducation
N’autre école N°9 automne 2018