Le dictionnaire des écoliers, recalé pour sexisme

C’était un chouette projet lancé en 2010-2011 : créer un dictionnaire des écoliers en ligne avec des définitions écrites par des élèves, pour des élèves. L’outil avait fait l’objet d’un appel à projet qui avait mobilisé plus de 3 000 classes, de la grande section de maternelle au CM2, rédigeant près de 17 000 définitions. Je m’étais d’ailleurs inscrit pour participer avec ma classe (avant de renoncer pour d’autres projets), et je l’avais mis en lien sur les ordinateurs de ma classe, faisant confiance à ce contenu officiel publié sous couvert de l’Éducation nationale.

Copie d’écran du site Dictionnaire des écoliers

En plus de l’édition numérique en ligne, une édition papier en deux tomes (coédition CNDP-Larousse) a été également proposée dès la rentrée 2011.

Chaque classe a travaillé sur 10 à 12 mots choisis dans une banque de mots. Selon leur niveau, les élèves n’ont pas tous effectué le même travail sur les mots :

  • en maternelle, ils ont défini le mot en une phrase, l’ont employé dans une autre phrase, etc.
  • en CP et CE1, ils ont ajouté un synoyme et un antonyme, un mot de la même famille, ont précisé le genre et la nature du mot, etc.
  • en CE2CM1 et CM2, ils ont pu ajouter des mots (noms propres, etc.).

Favoriser l’apprentissage méthodique du vocabulaire est l’une des priorités dès l’école maternelle pour prévenir l’illettrisme.

Prévenir l’illettrisme, quelle noble ambition ! Malheureusement, les auteurs du projet ont oublié de prévenir et de déconstruire au passage les clichés sexistes sortis de l’esprit des enfants…

  • père : “C’est le mari de la maman, sans lui la maman ne pourrait pas avoir d’enfants. C’est le chef de famille parce qu’il protège ses enfants et sa femme.”
  • mère : “Elle repasse les affaires de toute la famille.”
  • femme : “Elle peut porter des bijoux, des jupes et des robes. Elle a de la poitrine.”
  • féminin : “Cendrillon redevient féminine quand elle se retrouve dans sa belle robe pour le bal”.

Repérés par des membres de l’association EFiGieS  (étudiant·e·s, doctorant·e·s et jeunes chercheur·e·s en Études Féministes, Genre et Sexualités), les définitions incriminées ont logiquement fait l’objet d’un mauvais buzz sur les réseaux sociaux.

Résultat : le dictionnaire en ligne est momentanément indisponible (mais quid des éditions papier, sans doute présentes dans de nombreuses classes, centres de documentation pédagogique et autres librairies ? On les trouve toujours en vente en ligne sur le site du Scéren).

Le site restera provisoirement fermé, explique-t-on au ministère de l’Education nationale, contacté par le site @rretsurimages. “Certaines définitions ne sont pas admissibles et doivent être réécrites”. Le ministère a même requis “une évaluation de l’inspection générale du travail qui a été faite en classe avec les élèves.” Cette réaction si rapide n’est pas étonnante, puisque Najat Vallaud-Belkacem et Vincent Peillon ont fait de la lutte contre le sexisme un thème phare de la ren­trée 2013, comme ils l’avaient annoncé dans cette tribune publiée sur le Monde, avec l’expérimentation, dès la mater­nelle, d’un pro­gramme péda­go­gique d’une quin­zaine d’heures sur ce thème. (Source : @rretsurimages.net)

A lire également sur le sujet : Le “dictionnaire des écoliers”, ou le parfait petit lexique sexiste pour l’école (NouvelObs / le Plus).

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